Khèmpo Rimpoché
Khèmpo Deunyeu Rimpoché fut le plus proche disciple de Bokar Rimpoché. Les deux Maîtres ont entretenu une relation très étroite depuis leur enfance, relation qui ne s’est jamais distendue par la suite.
Tout comme Bokar Rimpoché, Khèmpo Deunyeu Rimpoché est né dans les hauts plateaux au climat très rude qui s’étendent sur l’ouest du Tibet, en 1943, soit trois ans après celui qui allait devenir son maître. De sa famille, étaient issus, dans le passé, plusieurs très bons lamas, notamment deux érudits : Mèndong Tsampa Rimpoché à qui l’on doit un certain nombre de traités et Sourou Khèmpo.
Ses parents étaient des gens d’une grande pauvreté, si démunis qu’il leur était difficile d’assurer la subsistance de leurs trois enfants. Comme cela se faisait dans ce cas au Tibet, ils ont préféré les laisser au monastère, choisissant celui de Bokar Rimpoché, qui n’était pas loin. Khèmpo Rimpoché était l’aîné des trois. Il devait avoir alors douze ans.
Au monastère, les enfants n’avaient d’abord personne pour s’occuper d’eux et n’avaient pas de chambre. La nuit, ils dormaient à même le sol, souvent avec les chiens pour profiter de leur chaleur.
Bokar Rimpoché et son tuteur, Lama Teundroup Tachi, habitaient dans la même pièce. Chaque soir, Lama Teundroup Tachi confectionnait à la fin du repas un chambou, c’est-à-dire une boule de pâte serrée dans la main en lui imprimant la marque des doigts et qu’on jette dehors en la consacrant aux esprits. Khèmpo Rimpoché avait si peu à manger qu’il guettait le moment où Lama Teundroup Tachi jetterait le chambou, se précipitait pour le prendre et se sauvait pour le manger.
Nyerpa Tratcheu, l’économe du monastère, remarqua vite ce jeune garçon si pauvre et en eut pitié. Il suggéra à Bokar Rimpoché de le prendre au service du ladrang (la résidence du lama), afin qu’en échange de son travail, il reçoive de quoi manger et de quoi se vêtir. Le jeune moine est donc devenu serviteur au ladrang, affecté, selon les besoins, à des tâches variées : la cuisine, l’entretien du feu, la surveillance des moutons et des yaks, etc.
Il ne savait bien entendu pas lire, mais manifestait un fort désir d’apprendre. Certains pensaient qu’il n’y arriverait pas, ou que cela ne lui servirait pas, mais lui insistait beaucoup. Finalement, Bokar Rimpoché lui-même commença à lui enseigner les lettres de l’alphabet et vit qu’il assimilait avec une grande facilité. Rapidement, le jeune garçon s’est mis à lire des textes et parvenait à comprendre leur sens.
Son intelligence s’est révélée extrêmement vive. Il comprenait immédiatement tout ce que Bokar Rimpoché lui expliquait. Sa soif de savoir était si ardente que, dès qu’il avait un moment de libre, il en profitait pour prendre un livre et l’étudier ; il retenait énormément de choses par cœur. Chaque fois qu’il voyait un ouvrage nouveau il voulait le lire. Contrairement à la plupart des enfants, il n’était nullement nécessaire de le pousser pour qu’il étudie. Il fallait au contraire le freiner, car il avait tendance à négliger son travail pour satisfaire son désir de connaissance.
Arrivé en Inde en compagnie de Bokar Rimpoché, après bien des difficultés dues à la fuite du Tibet et aux premiers temps de l’exil, Khèmpo Rimpoché a d’abord fréquenté l’école tibétaine de Darjeeling, pendant cinq ans. Il y étudiait le tibétain classique des textes, le tibétain oral et l’anglais. Il obtenait chaque année la première place à l’examen final. Il s’est ensuite rendu à l’université tibétaine de Bénarès où il a suivi un cycle de neuf ans d’études sortant, encore une fois, premier de sa promotion.
Refusant ensuite un bon poste qu’on lui proposait, en raison de ses brillants résultats, à Dharamsala, le siège du Dalaï-Lama et du gouvernement tibétain en exil, Khèmpo Rimpoché préféra rejoindre son précieux maître qui terminait alors une retraite à Sonada, non loin de Darjeeling.
Depuis le départ de ce monde de Bokar Rimpoché en 2004, Khèmpo Rimpoché assume entièrement la responsabilité du monastère de Mirik, dirigeant aussi bien les moines que les disciples occidentaux. Il s’occupe également avec le plus grand soin de la formation de la réincarnation de Bokar Rimpoché, né en 2006 et reconnu en 2015.